Grande nouvelle : ThePixelHunt a remporté jeudi dernier le prix «start-up de l’information» (co-organisé par Science-Po Paris et Google), catégorie « professionnel » (la lauréate catégorie « étudiant » est Aïcha Akalay). Comme ne l’indique pas forcément la drôle de tête que je fais sur la photo ci-dessus, c’est évidemment une super nouvelle pour moi et pour mon entreprise, dont j’ai déposé les statuts la semaine dernière. Du coup, je me suis dit que ça en intéresserait peut-être un ou deux dans le fond de lire le texte de mon dossier, récompensé par le jury. Pas les 25 pages, rassurez-vous, seulement la première, celle qui me sert désormais de « profession de foi ».
Voici donc ce texte, qui date de juin, et que j’ai mis à jour avec un ultime paragraphe dans lequel je constate, en me basant sur des actualités récentes, que décidément, c’est un bon moment pour se lancer dans la production de newsgames.
Projet : Création d’un studio
de production de newsgames
Je souhaite créer un studio de production de newsgames, des applications visant à transmettre des informations sous forme de jeux.
Pour comprendre le projet, il est nécessaire d’adopter une définition large de ce qu’est un jeu : une expérience régie par des règles, dans laquelle un objectif est fixé, et dont le résultat varie en fonction des actions de l’utilisateur. Un jeu n’est donc pas nécessairement trivial ou léger. En revanche, il est intrinsèquement interactif. Il n’existe pas sans le joueur, à qui il propose un gameplay (c’est-à-dire, selon Sid Meier – un des plus célèbres game designers – « une suite de choix intéressants »).
Dans les médias « classiques » (presse, radio, télévision), les journalistes se plient à la contrainte de la forme linéaire. Ils organisent les informations dans un ordre particulier, et produisent un objet journalistique figé : article, reportage vidéo ou sonore. Ils adoptent donc la forme du discours, que le public reçoit.
Un newsgame, au contraire, est construit comme une discussion. Il permet à l’utilisateur d’interagir avec un système, c’est-à-dire de manipuler une représentation de l’actualité pour trouver lui-même les réponses à ses questions. Ce système, c’est le journaliste qui le construit en observant l’actualité. Qui en sont les acteurs ? Quelles sont leurs relations ? Leurs intérêts sont-ils convergents ou divergents ? Dans la fabrication d’un newsgame, les réponses à ces questions servent de base à l’élaboration des règles du jeu. Le lecteur devient alors acteur, il se construit au fil du jeu une représentation de la problématique, en s’appuyant sur le canevas proposé par le journaliste.
Aujourd’hui, le jeu vidéo est partout. La génération qui a grandi avec les premières consoles de salon est désormais adulte, et l’âge moyen d’un joueur, en France, est supérieur à 35 ans (chiffre SNJV 2011). Les agences de publicité, les ONG ou encore les musées ont intégré le jeu vidéo à l’éventail des formes qu’ils utilisent pour transmettre de l’information. Et avec la tendance dite des « Serious Games », nombre de grandes entreprises (L’Oréal, Renault, BNP-Paribas…) l’utilisent pour communiquer ou pour former leur personnel.
Il est désormais temps, pour le journalisme, de s’approprier un objet qui représente la première industrie culturelle mondiale en chiffre d’affaire – d’autant que la France est, en matière de jeu vidéo, un acteur mondial de tout premier plan. Avec l’explosion du jeu sur tablettes et mobiles, le marché est là, et la demande pour des jeux qui proposent plus qu’un simple divertissement est vive.
L’entreprise que je veux créer fonctionnera à la fois comme une web-agence de presse et comme un laboratoire d’innovation. Elle reprendra l’organisation et la flexibilité des petits studios de jeux vidéo, en lui adjoignant la rigueur journalistique que j’ai acquise après plus de 10 ans de métier. Elle proposera d’informer autrement des publics qui ne sont plus en phase avec l’info telle qu’on la produit aujourd’hui.
…
En 2013, le contenu le plus lu sur le site du New-York Times n’est pas un simple article, c’est un newsgame. UsVsTh3m, un site publié par Trinity Mirror et spécialisé dans les newsgames courts, impertinents et intelligents, a atteint en novembre les 7 millions de visiteurs uniques en à peine quelques mois d’existence. Et le prestigieux Guardian vient de publier un article on le peut plus sérieux sur le parcours du combattant des réfugiés Syriens pour atteindre l’Europe… sous la forme d’un jeu. Il était temps de créer ThePixelHunt : on dirait que le vrai journalisme interactif arrive !